Crescendo, Belgien
Bruno Peeters
 
Tosca
 
Si une Carmen ne se conçoit pas sans vraie Carmen, Tosca supporte-elle une héroïne moyenne? Telle est la question que je me suis posée à l’issue de la vision de ce DVD, pourtant fort agréable. Oh, je n’ai certes rien contre Emily Magee, même si ses poses de diva au premier acte m’ont un peu agaçé. N’est pas Renée Fleming qui veut. Théâtralement, elle se défend bien, surtout au deuxième acte, fort stressant. Mais vocalement, elle n’a hélas rien de transcendant et le mélomane connaît bon nombre d’incarnations musicales supérieures. Elle ne démérite pas, non, mais elle est bonne, sans plus. Heureusement, elle est superbement encadrée. Inutile d’en rajouter: Jonas Kaufmann est LE Cavaradossi idéal, comme il est le Lohengrin ou le Werther idéal. Charmant -et charmeur- au premier acte, poignant et vibrant au second, il crève la scène au troisième (admirables E lucevan le stelle et O dolci mani) qu’il domine entièrement. En complet veston sévère, Thomas Hampson, baryton majeur de notre temps, compose un Baron Scarpia très intéressant, très complexe, passant de la jovialité à l’abjection en un instant: une magnifique composition. Durant Vissi d’arte, il se plaque contre le mur en brique, sinistre et immobile, menaçant comme Olrik sur la couverture de la BD "La Marque jaune" d’E.PJ.Jacobs. Petits rôle bien défendus, en particulier Angelotti et Spoletta. Mais pourquoi ne montre-t-on jamais le petit berger du début du troisième acte? Mise en scène classique et efficace de Robert Carsen, faisant partie de son cycle Puccini présenté, entre autres théâtres, au Vlaamse Opera. Il y a quand même certaines incongruités: que vient faire, par exemple, le tableau représentant l’Attavanti dans le bureau de Scarpia? Une pièce du dossier? Quant à Tosca, star, elle signe des autographes et déposera le programme de son concert sur le corps de Scarpia, au lieu du chandelier habituel. Et, à la toute fin de l’opéra, toute la bande à Scarpia ne déboule pas sur la plateau, qui reste vide. Curieux. Très bon orchestre de l’Opéra de Zürich avec, entre autres, un miraculeux prélude matinal romain au début du dernier acte. Une excellente version du chef-d’oeuvre puccinien, mais un rien bancale. Non, Tosca sans Tosca n’est plus tout à fait Tosca.

 
 






 
 
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