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Resmusica, 28 juillet 2011 |
Andreas Laska |
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La Tosca des nuances
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Voilà
ce qu’on appelle une chance ratée. Grâce à un chef magnifique et une
distribution de rêve, à la fois surprenante et convaincante, cette
Tosca aurait pu être une version de référence, à emporter peut-être
sur la fameuse île déserte. Mais, hélas, la mise en scène de Robert
Carsen gâche le plaisir, notamment dans un premier acte manquant
cruellement de cohérence. Présentée comme une nouvelle production,
cette Tosca zurichoise, enregistrée en avril 2009, est en fait le
remake d’une mise en scène créée à Anvers 13 ans auparavant, et
montrée, entre-temps, à l’Opéra de Hambourg. Tosca est ici une diva
pure et dure qui ne sait que jouer : avec Scarpia, bien sûr, mais
aussi avec Cavaradossi. L’amour ? Elle ne semble que s’aimer
elle-même. Les décors ne montrent aucun des endroits bien définis
dans le livret, mais la scène d’un grand théâtre. Point de Vierge au
premier acte ; un Te Deum sans prêtre, chanté par un public de
théâtre ; « Vissi d’arte », le moment le plus intime de Tosca,
transformé en un numéro de diva … Par moments, la direction d’acteur
sauve la mise, notamment dans la confrontation de Tosca et Scarpia,
avant qu’un programme de salle, laissé sur le corps de Scarpia en
guise de croix, finit par nous agacer de nouveau …
Parlons
donc de musique. Christoph von Dohnanyi s’étant retiré de la
production juste avant la générale, c’est Paolo Carignani que l’on
retrouve au pupitre de l’orchestre de l’Opéra de Zurich. Est-ce le
travail accompli par von Dohnanyi qui confère à cette Tosca un
caractère presque intime, tellement loin des lectures sommaires et
grossières que l’on entend trop souvent ? Où est-ce Carignani
lui-même qui soigne les détails comme peu de chefs l’ont fait avant
lui, et cela sans négliger le drame et les passions ? Fort
heureusement, les chanteurs se présentent à la même hauteur. Emily
Magee, plus connue dans Strauss et Wagner, surprend avec une Tosca
vocalement idéale, au timbre corsé, à l’aigu percutant et lumineux,
mais aussi capable de superbes demi-teintes. Dommage qu’elle doive
incarner un personnage tellement antipathique. A ses côtés,
Jonas Kaufmann campe le plus nuancé des Cavaradossi.
Certes,
son « Vittoria » ne doit craindre aucun rival, mais c’est dans les
moments doux et rêveurs qu’il nous touche le plus: lorsqu’il murmure
le début d’ « E lucevan le stelle » ou qu’il attaque son fameux « O
dolci mani » dans un vrai pianissimo. Ainsi, on oublie même certaines
voyelles un rien engorgées … Thomas Hampson enfin, que l’on
n’attendait vraiment pas en Scarpia, s’avère vite l’un des
interprètes les plus fascinants de toute la discographie. Elegant,
glacial, cynique, il ne se contente pas d’exhiber ses moyens vocaux
(impressionnants d’ailleurs dans les moments cruciaux tels que la fin
du premier acte) comme le font, hélas, beaucoup de ses collègues. Et
quel acteur ! Ne citons que le moment où il reprend son dîner, au
milieu même de la scène de torture. Du grand art, du très grand art !
Saluons, pour finir, les interprètes des rôles secondaires, tous
distribués avec soin, avec une mention spéciale pour le Spoletta de
luxe de Peter Straka.
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