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Forum Opéra, 10.10.2009 |
Christophe Rizoud |
Génétique
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En 2008, le premier récital de Jonas Kaufmann chez Decca, « Romantic arias
», osait en un seul disque, et avec un égal bonheur ou presque, les plus
grands airs d’opéras français, italiens et allemands. Une gueule d’amour
exhibée sur la pochette de l’album finissait d’emporter la partie. La
critique et le public stupéfaits se découvraient une nouvelle coqueluche
tandis que la carrière du ténor, amorcée pourtant depuis un certain temps
(1992), allait désormais se poursuivre sous les sunlights et sans le moindre
faux pas. Fidelio à Paris, Lohengrin à Munich, Des Grieux et Cavaradossi à
Vienne, Don Carlo à Londres : des rôles exigeants modelés à chaque fois
d’une voix de fer, entrecoupés d’épisodes plus anecdotiques, comme ce
concert triomphal en mars 2009 au Théâtre des Champs Elysées ou deux mois
auparavant ce chanteur du Rosenkavalier à Baden Baden aux côtés de Renée
Fleming, Sophie Koch et Diana Damrau. Paillettes imposées par notre époque,
marketing étudié qui encerclent de glamour l’image de Jonas Kaufmann sans
toutefois en altérer l’intégrité. Derrière le dandy moderne, se tient
pudique le liedersänger, l’interprète de Schumann et Liszt dont les mélodies
continuent de figurer dans l’agenda comme un indispensable ressourcement.
Plus qu’un style, un état d’esprit et un besoin de retourner aux origines
germaniques dont le ton et le programme de ce nouvel enregistrement
attestent. « J’ai grandi avec ce répertoire, il m’accompagne depuis l’époque
de mes premiers souvenirs musicaux… on peut dire qu’il est inscrit dans mes
gènes », témoigne le ténor dans le livret qui accompagne le disque.
Schubert, Mozart, Beethoven, Wagner, quatre piliers de l’opéra allemand, une
même langue, une même syntaxe mais des emplois différents : lyrique,
dramatique et même heldentenor. Jonas Kaufman réalise ici l’exploit de les
revêtir tous. Le timbre satiné continue de séduire. Le medium est toujours
solide, l’aigu franc, la voix égale. Une certaine réserve qui tient lieu de
noblesse campe droit dans leur armure ces héros intrépides. De l’allure et
de la prestance pour un choix de scènes qui voient défiler Lohengrin,
Tamino, Fidelio, Siegmund, Parsifal ou, moins connus et donc bienvenus,
Fierrabras et Alfonso dont le « Schon, wenn es beginnt zu tragen » avec ses
dessins de clarinette annonce « Le Pâtre sur le rocher ». Tous techniquement
irréprochables même si certains portraits retiennent l’attention plus que
d’autres. Parmi les plus accomplis, un Lohengrin cyclothymique aux couleurs
tantôt blêmes, tantôt saturées, irréel et magnifique ; un Fidelio exalté,
dont le « Gott ! » demeure saisissant, bien qu’on l’aime encore plus
douloureux. Tamino laisse une impression mitigée avec un « Dies Bildnis ist
bezaubernd schön » d’une juste ferveur mais un « Wie stark ist nicht dein
Zaubertorn » en mal d’innocence. Surtout, on a connu Siegmund et Parsifal
mieux caractérisés, des « Winsterstürme » plus enivrés et plus enivrants,
des « Amfortas ! » plus illuminés (et des Kundry autrement tentatrices). La
faute à l’interprétation, trop policée, mais aussi à Claudio Abbado. Le chef
d’orchestre à force de soigner le flacon en oublie l’ivresse : direction
luxueuse, geste magistral mais dépourvu hélas d’urgence théâtrale. |
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