Classica, Qobuz, décembre 2009
Par André Tubeuf
Richard Strauss: Der Rosenkavalier
Des grands noms de la scène lyrique, un chef exemplaire mais surtout une mise en images exceptionnelle par Brian Large
 
On était dans la salle à Baden Baden le 31 janvier, soirée où (nous dit la notice) ce DVD a été capté. Ce soir-là on ne reconnaissait pas la mise en scène de feu Wernicke, six ou sept fois vue, gaillardement bousculée (on ne s’en plaignait pas) par un assistant parisien nouveau venu, et largement rhabillée. Ce soir c’est la soirée live qu’on ne reconnaît pas, tant la mise en images de Brian Large, astucieuse, finaude, jouant en virtuose d’attitudes et de placements parfaitement repérés, nous offre le Rosenkavalier vu de près, follement détaillé, irrésistible, que la vision frontale fixe, l’éloignement relatif, l’obstacle aussi de l’opulent orchestre (qui n’est pas, faut-il le préciser, un orchestre de théâtre), certes, ne nous donnaient pas.

Si cette mise en scène est très largement celle de Large, c’est aussi celle de Renée Fleming. Dire qu’elle a fouillé ou approfondi son personnage n’est pas le terme qui convient. Elle l’a composé, à la Schwarzkopf absolument (et pas du tout dans l’imitation ou la manière de celle-ci) avec une minutie, une pertinence, une délicatesse d’appréciation inouïes, le moindre geste, le moindre mouvement du visage, la moindre inflexion étant captés avec gourmandise par la caméra. La substance vocale sensiblement amincie s’accommode idéalement de cette composition toute en nerfs et humeurs, parfait kabinettstück à l’allemande, qui vaudra à Fleming le plus mérité et historique des triomphes.

Autre grand gagnant, Hawlata, qui désormais parle le rôle avec une routine qui touche au génie, et dont ici on entend la moindre syllabe. Un rien perdante, en revanche, Sophie Koch, qui compose son personnage avec un tact et une autorité non moindres, mais dont le travail d’articulation (sonorement exemplaire), capté de si près, envahit le beau visage. Damrau est la transparence dorée, un pur rayon de grâce et de simplicité ; Kaufmann un peu inutilement irrésistible ; Jane Henschel épatante. Thielemann et son orchestre, ici, exemplaires. On continue à déplorer l’inconsistance d’un parti pris scénique qui à la fois suppose la tenue et le maintien des manières (celles de la Vienne de Marie Thérèse) et à ce point les malmène, mais grâce à Brian Large on s’en tient ici aux mille détails vifs, et cela plaira justement, unanimement, énormément.
 






 
 
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