ClassiqueNews, 16 octobre 2009
Alban Deags
Richard Strauss: Der Rosenkavalier
 
Scène féerique et illusoire conçue depuis 1995 par Wernicke, hélas mort depuis, ce Rosenkavalier repris en 2009 à Baden Baden captive grâce à la tenue vocale de Fleming, Kaufmann, Damrau sous la direction voluptueuse et symphonique de Thielemann. Un must!

Baden-Baden, 31 janvier 2009 : le Rosenkavalier de Strauss ne pouvait espérer meilleur tenue d'ensemble, en particulier vocale, portée par un orchestre somptueux (le Philharmonique de Munich dirigé par un Christian Thielemann, inspiré, amoureux, opulent, soucieux des vagues symphonistes comme de la coloration néobaroque de la partition, bref un chef charismatique qui domine la scène et la fosse, celui des grands soirs).

Sur le plateau, les chanteurs reprennent vie dans le dispositif d'une production mythique, signée par le regretté Herbert Wernicke, créé à Salzbourg en 1995 et repris à l'Opéra Bastille. Renée Fleming, lascive et hyperféminine, dans ses robes finement dessinées, incarne l'ivresse délicate d'une Maréchale qui se rêve insouciante mais dont la sagesse accepte l'oeuvre du temps: elle apprend ce renoncement inéluctable aux êtres et aux monde. Seule Sophie Koch n'offre qu'un Quinquin assez terne, à l'articulation molle et traînante. L'étincelle demeure la soprano angélique, fraîche comme une rose, Diana Damrau à la jeunesse vive et concrète (aigus rayonnants et assumés). En guest star, pour le tableau des mondanités délirantes du I, Jonas Kaufmann est un Chanteur Italien d'une ardeur troublante et enivrée à couper le souffle! Son air qui est embrasement d'un pur amour fait surgir un Lohengrin foudroyant sur la scène d'un vaudeville en perruques.
En revanche, les autres chanteurs n'ont pas l'équivoque ni la subtilité de Fleming ni de Damrau. On frôle souvent l'épaisseur un rien caricaturale pour Faninal (Grundheber en retrait et limité), belle déception aussi pour le Baron Ochs, cousin de la Maréchale, qui n'a pas l'once de l'étoffe du vrai personnage souhaité par les auteurs Hofmmansthal et Strauss: un trentenaire d'une finesse virile certes un peu blasée mais en rien truculente ni bouffonne. Du reste, il serait temps de redonner au personnage sa vraie nature, plus raffinée que loufoque et souvent ridicule. Autant de vertus que Franz Hawlatta, bretelles détendues et panse bien nourrie, écarte totalement. Confondre ancien lustre autrichien (impérial) et grosseur teutonne étonne évidemment mais il s'agit d'un penchant devenu habituel dans les récentes productions lyriques.
Beaucoup de production ne comprennent pas la très fine analyse des auteurs quant à la société viennoise à son déclin (l'oeuvre a été créée en 1911, 7 ans avant la chute de l'Empire). Quoiqu'il en soit, voici un témoignage indiscutable d'une scénographie habile, étincelante dans ses miroitements allusifs et philosophiques: les miroirs colossaux qui servent de décor et permettent d'en changer le visuel selon les actes, soulignent combien cette évocation de la Vienne de Marie-Thérèse est une comédie légère certes mais d'une profondeur propre à notre civilisation: elle nous révèle à la façon d'un miroir, notre propre image si dérisoire... l'amour et les convenances sont un théâtre d'illusions car tout doit s'effacer ici bas. Et chaque être est destiné à l'oubli de soi-même et des autres. Vanité terrifiante mais expérience grâce à l'opéra straussien, musicalement délectable.
 






 
 
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