Classiqueinfo-disque.com, 12 décembre 2008
par Pierre Philippe
Romantic arias de Jonas Kaufmann, un récital un rien trop large !
Jeune ténor qui monte, Jonas Kaufmann est adulé par beaucoup… Sur scène, on peut l’entendre dans un vaste répertoire, allant de Mozart à Britten en passant par Wagner, Verdi, Gounod, Massenet et on en passe… C’est une chose qui semble importante pour lui : ne pas être classé dans un seul répertoire et se permettre d’aller chanter dans ces diverses facettes du champ lyrique, comme le faisaient ses illustres prédécesseurs, Caruso ou Thill par exemple. Ce récital est représentatif de cette volonté.

La voix de Jonas Kaufmann se distingue par un timbre assez sombre et une voix par moment légèrement engorgée. L’artiste est intelligent, apportant beaucoup de nuances à la caractérisation de ses personnages. Mais la question qui retient l’attention à l’écoute de ce récital est de savoir si un timbre tel que le sien est tout à fait approprié pour chanter des rôles allant du Duc de Mantoue au Faust de Berlioz. Il montre que cela est tout à fait possible, car la voix reste assez légère, s’accordant bien aux différents emplois proposés, même si le timbre sombre reste assez étrange pour certains personnages.

Ainsi, on ne peut qu’applaudir devant son Don José plein de feu et de déchirement. De même dans Tosca, Don Carlo, Der Freischütz, Les Maîtres Chanteurs, La Damnation de Faust ou Werther. Dans ces oeuvres, Jonas Kaufmann fait montre d’un beau sens mélodique et d’une approche très sensible, caractérisant très bien ces personnages romantiques ou déchirés. Il apporte une véritable profondeur à des rôles qui peuvent tout aussi bien ne reposer que sur le métal d’une voix superbe, surtout en récital. Dans ce disque pourtant, on ressent les tourments de Werther, les penchants philosophiques de Faust (ce qui fait d’ailleurs espérer un Enée un jour !). On trouve aussi la voix parfaite pour un Walter et un Max pleins de poésies, et ses Mario Cavaradossi et Don Carlo sont aussi particulièrement beaux et intenses.

Par contre, il convainc moins dans des rôles demandant plus de brillant. Son Des Grieux n’est pas rêveur et insouciant : le timbre du chanteur lui donne un côté trop réfléchi, manquant de jeunesse et de poésie. Son Duc de Mantoue lui, manque de la luminosité nécessaire à ce personnage. Bien sûr, ce passage n’est pas le plus démonstratif, mais toujours est-il que la voix n’a pas l’arrogance nécessaire, la facilité et la fluidité voulue.

Il en sera de même pour son Alfredo Germont, moins impulsif et trop sérieux, ainsi que son Rodolfo dans une moindre mesure. Et pour son Faust de Gounod, on louera le phrasé, l’intelligence, mais là encore il lui manque la spontanéité qu’on est en droit d’espérer. Malgré les efforts bienvenus pour alléger et faire naître les personnages, la voix ne peut se départir de sa couleur : il lui manque le soleil que des voix plus latines peuvent lui conférer.

Il faut dire cependant que le chef n’aide pas forcément le chanteur. Ainsi, dans l’air de Martha, qui trouve Kaufmann très inspiré, l’orchestre manque cruellement de poésie et de sentiments, et le tempo adopté ne permet pas au chanteur de déployer sa voix sur ces longues phrases.

Au final, ce récital nous montre que malgré toute la bonne volonté et l’intelligence d’un artiste, il est difficile de chanter un éventail de personnages et de vocalités aussi différents : on ne peut pas être parfait partout même si on a toutes les notes. Il n’y a aucun raté dans ce disque, mais tout n’est pas au même très bon niveau que la majorité des airs, ce qui par comparaison, est décevant. Mais ce disque n’est qu’un premier récital, qui est tout de même d’un très haut niveau… Attendons la suite
 
 






 
 
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