Chaque
nouvelle parution de Jonas Kaufmann fait figure d'événement et suscite
autant l'attention des médias que des mélomanes depuis son ascension
fulgurante sur les scènes d'opéra ou par le biais d'enregistrements (arias
d'opéra, lieder ou opérette berlinoise : il sait tout chanter). Le Munichois
révélé en Alfredo de La Traviata au Metropolitan Opera de New York en 2006
est devenu le ténor le plus courtisé, fêté et encensé de sa génération.
Au faîte de sa gloire, il interprète ses airs favoris de Giacomo Puccini
après avoir honoré ceux de Verdi deux ans plus tôt. Seulement, cette sortie
peut en cacher une autre : celle de The Age of Puccini, une compilation
publiée par son label précédent, Decca, qui ne contient que trois airs du
maître de Lucques et dix-huit autres de compositeurs variés, tirés du
récital Verismo paru en 2010. C'est donc sur Nessun Dorma: The Puccini Album
qu'il convient de se pencher pour apprécier la démarche du chanteur à cet
instant de sa carrière.
Le florilège enregistré avec l'Orchestre et
le Choeur de l'Académie Sainte-Cécile de Rome à l'automne 2014, sous la
direction d'Antonio Pappano, donne un court aperçu des airs de bravoure de
chaque opéra illustre du compositeur, que ce soit Tosca (« Recondita armonia
»), Madame Butterfly (« Addio, fiorito asil »), La Bohème (« O soave
fianciulla »), La Rondine (« Parigi ! »), Gianni Schicchi (« Avete torto !
»), ou les moins connus Le Villi, Edgar et Il Tabarro, sans oublier deux
extraits de Turandot, dont celui qui lui donne son titre, le fameux « Nessun
dorma », une façon de garder le meilleur pour la fin. Le ténor excelle le
plus souvent par son timbre charpenté de lirico spinto qui convient
idéalement à tel répertoire.
Plus intéressant encore est l'accent mis
sur deux autres opéras, Manon Lescaut, qui se taille la part du lion avec
quatre extraits et La Fanciulla del West qui en comprend deux, « Una parola
sola ! » et « Risparmiate lo schemo », vocalement irréprochables, figurant
parmi ses plus beaux airs enregistrés. Accompagné dans cette perfection par
un orchestre qu'il tend à effacer du cadre, si ce n'était la prestance du
chef à l'enhardir, Jonas Kaufmann sait encore surprendre avec le rôle du
chevalier Des Grieux, qu'il interprète à merveille dans « Donna non vidi mai
» et « Presto !...Non V'avvicinate, no ! », et les duos avec Kristine
Opolais sur « Oh, saro la piu bella ! » et « Ah ! Manon mi tradisce ». Il
signe là son meilleur récital depuis Wagner (2012).
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