L'Avant-Scène Opéra
Jean-Charles Hoffelé
 
PARSIFAL Révérence
 
On avait vu la production de François Girard à Lyon et l'on était ressorti de son spectacle transporté. Cette transposition intemporelle et pourtant dans un aujourd'hui certain, la communauté des chevaliers de Montserrat faisant cercle, la faille-source séparant femmes et hommes, la ferveur durant l'eucharistie d'Amfortas, l'enrochement lacustre du royaume de Klingsor, avec ses Filles-Fleurs zombies, et son grand lit ensanglanté où Parsifal éprouve et comprend la blessure, le troisième acte incroyable de poésie et de profondeur, si fluide : on retrouve tout cela dans cette captation new-yorkaise, porté par une distribution proche de l'idéal.

Jonas Kaufmann est Parsifal avec une évidence naturelle - de voix, de physique, de jeu - même s'il lui refuse l'innocence. Ce regard sombre et cette voix, donc !, disent assez la blessure avant qu'elle ne lui soit révélée ; ce maintien altier - qui ne cède qu'à peine devant les sortilèges de Kundry - indique la conscience d'une mission. Et la simple beauté du chant qui lie enfin le récit à la ligne quasi instrumentale sont pour nous sans équivalent aussi loin qu'on remonte dans la discographie. Pourtant c'est l'Amfortas de Peter Mattei qui vous étreindra d'abord. Cette douleur tenue transformée en sacerdoce n'est pas une lecture mais absolument l'incarnation de ce que voulait Wagner. Si l'on ajoute le violoncelle timbré, tour à tour tendre et soucieux de René Pape, le Gurnemanz le mieux chantant depuis Kurt Moll, le Klingsor furieux d'Evgeny Nikitin, la Kundry plus blessée que séductrice de Katarina Dalayman, on tient là un plateau idéalement apparié.

Et l'orchestre ? Pour ceux qui voient aussi dans Parsifal un opéra de chef, Daniele Gatti serait un empêchement. Sur le papier, du moins, car dans la fosse du Met il laisse l'orchestre jouer l'œuvre quasiment comme il la joua si souvent sous la baguette experte de James Levine, lyrique et tendue à la fois, toujours plus chambriste qu'exposée. Cette simplicité intérieure d'un discours qui s'efface derrière la musique tombe parfaitement dans le spectacle chorégraphié de François Girard, dont chaque inflexion, chaque geste provient de la partition. Seul concurrent réel, la proposition de Romeo Castellucci à La Monnaie, mais si piètrement captée qu'elle est réduite au document. Ceux qui veulent entendre et voir un Parsifal plus signé à l'orchestre chercheront celui de Bernard Haitink à Zürich (DG), les autres trouveront tout l'opéra de Wagner ici.








 
 






 
 
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