Concertonet, 08/16/2010
Gilles d’Heyres
Franz Schubert : Die Schöne Müllerin, D. 795
 
 
Enregistré en direct – mais spécialement pour en faire un disque –, ce récital de l’étoile montante du chant est un succès à plus d’un titre. Il confirme, après la qualité de son dernier album Decca, la valeur d’un interprète dont la réussite n’altère ni l’intégrité artistique, ni le désir d’amélioration et la quête d’approfondissement. A quarante ans, le ténor Jonas Kaufmann (né en 1969) reconnaît d’ailleurs «avoir voulu enregistrer ce cycle avant qu’il soit trop tard». Baignée de lumière juvénile, une Belle meunière (1823) de ce calibre, aussi fraîche et bien articulée, fait rêver à d’autres performances dans le répertoire schubertien, même lorsque la voix aura vieilli.

Tout ici respire le bonheur de vivre, ce qui explique que l’interprète se livre au chant sans retenue, quitte (direct oblige) à violenter certains accents ou certaines notes. Broutilles... tant on a plaisir à entendre la voix pleine de souplesse et de vivacité d’un ténor tout sauf passif, aux aigus rayonnants (des «Trockne Blumen» presque insensées), qui dévore les poèmes de Wilhelm Müller comme on croquerait dans une nectarine juteuse, n’oubliant pas de prendre le recul ou le temps nécessaire pour adoucir un propos parfois méditatif («Der Neugierige») ou extatique («Morgengruss») et finalement s’abandonner au lyrisme dépressif des dernières pages. Si l’on ajoute que la présentation est très soignée, la prise de son spectaculaire et, surtout, l’accompagnateur aussi enthousiaste qu’attentif – l’expérimenté Helmut Deutsch (né en 1945) est à la manœuvre –, on doit en conclure que ce disque est un grand bonheur qui rappelle, s’il en était besoin, que le lied est un art bien vivant.
 






 
 
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