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Diapason, mars 2010 |
Jean Cabourg |
Die schöne Müllerin
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Jonas Kaufmann (ténor), Helmut Deutsch (piano).
Decca 4781528
TECHNIQUE 6,5/10
Voix captée proche, avec une réverbération assez longue, et qui
manque de stabilité en localisation. Piano coloré par
l’acoustique.
PLAGE 2 DE NOTRE CD
Quelques minutes sont nécessaires pour que cette captation sur
le vif déjoue les réticences et vous empoigne pour ne plus vous
lâcher. Comme le reconnaît Jonas Kaufmann lui-même, ce cycle
appelle une voix de ténor jeune et rayonnante, du moins dans sa
première partie. Le timbre sombre du chanteur, aux antipodes de
celui d’un Patzak ou d’un Wunderlich, peut d’abord surprendre.
Comme l’autorité du clavier d’Helmut Deutsch, d’autant que tous
deux sont pour ainsi dire cueillis à froid, bien que la prise
date du 30 juillet 2009. Si la candeur du jeune meunier affleure
dès le deuxième lied et la lumière du haut médium dans les
allégements du troisième, il faut attendre l’action de grâces au
ruisseau, Danksagung an den Bach, pour qu’affranchie de
sa gangue, la voix libère son potentiel émotif.
Mais alors, quelle richesse d’inflexions et de couleurs !, de la
caresse sur le souffle aux accents pré-wagnériens et aux
consonnes projetées de Am Feierabend, pour atteindre
désormais des sommets expressifs inouïs. Le handicap supposé
tourne à l’avantage superlatif. La variété des affects
qu’impliquent les poèmes de Müller, les voix trop uniment
radieuses échouent de fait à la traduire. Kaufmann joue quant à
lui génialement du clair-obscur de la sienne et nous subjugue.
L’entente fusionnelle avec un pianiste qui en est à sa troisième
intégrale au disque d’une oeuvre dont il comprend les moindres
subtilités, nous vaut alors une progression dramatique
étreignante. L’impatience d’Ungeduld, les larmes de
Tränenregen, et la turgescence de Mein sont
irrésistibles. La marche vers le tragique connaît ensuite une
implacable gradation. Déclamation sarcastique devant le
chasseur, violence des reproches au ruisseau, résignation
suicidaire se parent d’infinies nuances au clavier comme dans le
chant. Avant ces deux instants miraculeux où Kaufinann, en
apesanteur, disperse les fleurs séchées de Trockne Blumen
avant d’égrener sous l’aile de l’infini sa berceuse au ruisseau.
Bluffant, superbe, une version entre toutes anthologique. |
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