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Resmusica, 23/07/2010 |
Pierre-Jean Tribot |
Jonas Kaufmann est Lohengrin
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Filmé à l’été 2009, à Munich, cette production du Lohengrin de Wagner
était prétexte à deux prises de rôle évènementielles et médiatisées :
Jonas Kaufmann en Lohengrin et Anja Harteros en Elsa von Brabant.
Kaufmann est rayonnant de timbre avec une voix à la beauté plastique
irradiante qui ne semble pas connaître de limites en terme de tessiture
et de facilités. L’artiste s’impose naturellement comme le grand
Lohengrin du moment par son mélange d’héroïsme vocal et d’engagement
scénique. Sa partenaire n’est pas en reste avec une ligne de chant à
la conduite parfaite et une facilité totale dans les aigus. Michaela
Schuster est plus en puissance dans son incarnation d’Ortud, mais, outre
une présence dramatique exceptionnelle, elle assure toutes les
difficultés de son rôle avec aisance. Wolfgang Koch est, lui aussi, au
dessus de tous reproches alors que le brillant Evgeny Nikitin est un
Hérault à l’impact saisissant. Très sollicité, le chœur est à la fois
précis et riche en couleurs.
Dans la fosse, à la tête de son orchestre, Kent Nagano adopte une
retenue expressive qui vise à un contrôle total du discours musical. Les
dynamiques sont travaillées et les phrasés, à l’imbrication parfaite,
suivent le déroulement de l’œuvre. Ce Wagner, à la fois allégé et
transparent, pourrait légitimement paraître froid ; pourtant, il fait
briller les timbres de l’orchestre munichois, tout à son aise dans cette
musique.
La mise en scène de Richard Jones propose une actualisation qui n’est
pas sans soulever des questions. Il faut reconnaître, que sans une
lecture du texte didactique proposé dans le livret, l’intelligibilité du
concept nous échapperait largement !
Le metteur en scène et son équipe insistent sur l’impossibilité du vivre
ensemble des héros. Considérant que Lohengrin traite d’un drame humain
et historique, le team scénique construit son concept autour de
l’édification d’une maison avec scènes de ménage et conflits de
voisinage. À l’ébauche de plan, lors du « Prélude », la maison devient
une réalisation concrète à l’acte III ; le tout sur fond de régime
autocratique et d’une pointe d’allusions au nazisme (la notice nous
apprend qu’Ortrud est une « véritable blonde aryenne »…). Bardés
d’intentions, foncièrement « fashion » avec un Lohengrin en t-shirt et
training, cette production à la grand mérite de renvoyer aux oubliettes
tous les oripeaux historicistes de l’œuvre sans pour autant
véritablement convaincre en ravalant le mythe wagnérien dans la triste
banalité du quotidien.
Mais, ce travail se regarde sans trop de déplaisirs et permet surtout de
se concentrer sur la musique.
Pour Jonas Kaufmann et Anja Harteros, le DVD s’impose comme une
référence même sur ce support, l’autre version dirigée par Nagano (Opus
Arte) reste un excellent choix avec un couple Lohengrin-Elsa un peu
inférieur à nos deux stars.
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