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Classica, juillet/août 2010 |
André Tubeuf |
Sous le cygne de Jonas
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JONAS KAUFMANN NOUS ILLUMINE UNE NOUVELLE FOIS DE SON TALENT. SOUS LA
DIRECTION DE KENT NAGANO, IL INCARNE LE PREUX CHEVALIER LOHENGRIN. SA VOIX
SE FAIT LYRIQUE ET HEROIQUE, SENSUELLE ET TORRIDE, POUR LES BEAUX YEUX
D’ELSA. |
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Déjà
au théâtre au bout d’un acte les intentions de la mise en scène, de
toute façon fumeuses (la maison qu’on bâtit, Elsa en habit de travail,
le bureau des rnissing persons etc.) ne nous intéressaient plus les
personnages, Dieu merci préservés par la mise en scène et fortement
dessinés, nous suffisaient. Et d’autant plus au DVD où la caméra les
suit intelligemment et les montre de près, bien photographiés, et
présents à en effacer tout le reste le décor pas toujours compréhensible
mais commode, les accessoires (maison pour pouponner, berceau, le feu
qu’on y met: idées, idées). L’essentiel est que musicalement ce
Lohengrin du festival 2009 ait bénéficié de l’orchestre au monde qui
sans doute le possède et le rend le mieux, en a dans ses cordes la
luminescence très particulière, et aussi le long souffle tranquille.
Très visiblement Nagano se trouve avec lui en pleine complicité : dans
ce sostenuto pas trop tendu, aux belles diaprures (sans agitations
incongrues toutefois) tout respire à l’aise,— même les chanteurs. Très
en vedette, et d’autant plus guetté, était le couple roi, Jonas Kaufmann
et Anja Harteros. Montrés ainsi de près (et si on peut dire en détail),
avec une vérité et souvent une beauté de mouvement et de visage proche
du sublime, ils ne sont pas loin de l’idée qu’on peut se faire, en chant
comme en jeu dramatique aussi, du surnaturel. Elle offre un legato de
lumière dès l’arrivée de Lohengrin (le temps du Rêve elle sera
chauffée), un nocturne au balcon qui est l’extase même (pour nous aussi)
avant de se hausser au III à la stature (requise par Wagner, si rarement
atteinte par une Elsa) d’une Isolde outrée, et avec quel profil, quels
yeux! Lui, abordant pour la première fois un rôle pour lequel il a tout,
et d’abord cette aura qui ne s’acquiert pas, a su oser les contraires,
l’intimité murmurée du pianissimo comme le métal plus héroïque. Revers
de la médaille : au DVD son Graal d’abord presque silencieux,
intériorisé, médusant à la scène, fait forcément un effet moindre, comme
si c’était facile!!!. Une incarnation absolue, qui ne retrouvera
peut-être jamais plus pareil état de grâce. Face à pareil couple, les
autres paraîtront forcément un peu comparses. Bien injustement : à
pareil niveau d’ensemble, chacun doit fonctionner au-dessus de soi-même.
Tous sont vrais et jouent dépouillé, comme à nu, le Roi de Fischesser,
noble autant que bonhomme, le Telramund de Koch sans noirceurs outrées,
l’Ortrud qui pousse une très plausible Michaela Schuster à ses limites.
Ainsi se trouvent renvoyées à l’absolument second plan (d’où la mise en
scène ne devrait jamais les laisser sortir) les chimères d’un spectacle
trop cherché. Ne nous restent pratiquement que les vertus transcendantes
de personnages inspirés, puissamment présents. C’est à monter au ciel ! |
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