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Diapason, septembre 2011 |
Emmanuel Dupuy |
Fidelio
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L'été
dernier à Lucerne, Claudio Abbado dirigeait Fidelio en version
semi-scénique, C'est live de ces deux soirées qui est aujourd'hui
publié, initiative heureuse mais pas tout à fait suffisante pour
inscrire cette gravure au sommet de la discographie : idéalement, il
aurait fallu que ce petit monde passe par le studio pour polir une
interprétation qui n'en reste pas moins captivante.
On peut
difficilement, de nos jours, rêver plateau mieux apparié. Etrennant
enfin sa Léonore, l'immense Nina Stemme livre une incarnation encore un
rien hésitante, et les mélismes du redoutable "Abscheulicher" n'ont pas
tout le naturel requis; ce soprano monumental, campé sur un souffle
infini, habite pourtant chaque pore du personnage avec un verbe puissant
et une féminité généreuse qui sont sa marque. Face à cette
déesse vivante, Jonas Kaufmann fait son entrée avec un « Gott » venu du
tréfonds de l'âme, saisissant gémissement enflé jusqu'à l'imploration ;
le reste n'est que muscles et pleurs rentrés, maîtrise absolue, justesse
de chaque instant. N'ayons pas peur des comparaisons : le plus grand
Florestan depuis James King et Jon Vickers.
On a connu
des Marzelline au platine plus resplendissant que celui de Rachel
Harnisch, rarement d'aussi fines mouches et musiciennes, pas soubrette
pour un sou. Si le timbre n'est pas des plus phonogéniques, c'est tout
l'honneur de Christoph Strehl de ne jamais tirer son Jaquino vers le
buffo et de lui rendre sa noblesse de jeune mâle blessé. Fontaine de
bonté et de legato, Christof Fischesser est un Rocco sans reproche,
alors que Falk Struckmann, s'il court après son grave, promène, intacte,
la haine effroyable de son Pizarro. Luxueux Don Fernando de Peter
Mattei, mais les micros accusent son vibrato.
Pas de catastrophe
vocale, donc, mais surtout une lecture orchestrale inondée de vie et de
lumière, éprise de grands espaces. Entre tempête et confidence, murmures
chambristes et vagues symphoniques, Abbado tire l'ouvrage du côté du
Singspiel tout en mettant à nu sa force tellurique en un grand geste
unificateur, Basses gorgées de sève, bois épicés, cordes en velours,
chaque pupitre répond d'une seule voix à cette battue océanique. Le flux
dramatique se déploie avec d'autant plus d'aisance que les dialogues
parlés, réécrits (pourquoi pas : ceux de l'original ne sont guère un
sommet de littérature théâtrale), ont été sensiblement abrégés. Abbado
omet la césure de l'ouverture Léonore III (que de nombreux chefs,
suivant un usage arbitraire, interpolent avant la dernière scène) pour
filer droit vers l'apothéose finale: le message de liberté de Fidelio a
rarement retenti avec autant de plénitude. |
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