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Classica, Mai 2016 |
André Tubeuf |
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Cavalleria rusticana - Pagliacci
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La
raison d'être unique de ce couplage Cav/Pag à Salzbourg Pâques 2015 est
que Jonas Kaufmann incarne le même soir (comme jadis Domingo à Munich)
Turiddu et Canio, que peut-être il ne rechantera jamais, séparés ou
ensemble — et sans doute il ferait mieux. Spectaculaires (et gagnants)
comme sont son travail artiste, son fignolage, sa mise au point,
l'effort et aussi l'artifice, l'absence de naturel s'y sentent
constamment. La voix s'amincit, s'amaigrit pour se faire mordante,
cinglante et y parvient sans jamais s'épanouir à l'aise dans l'aigu, le
vêtement est trop large pour elle, paradoxalement il la rapetisse. On
admire, et il y a de quoi. D'autant que c'est joué avec l'engagement
qu'on imagine. Mais on reste dehors, on ne suit pas vraiment. D'autant
que la mise en scène de Philipp Stölzl et le dispositif en petites
fenêtres, en hauteur, plusieurs fenêtres pour lire l'action dans
plusieurs points simultanés, assassine purement et simplement Cavalleria
où l'empoignade féroce, le combat de rues entre Turiddu et Santuzza
devient scène de (petit) ménage et tout ce qui est Pâques, Sicile
s'escamote. Pagliacci s'en accommode mieux. En outre, sans que ce soit
un reproche, la Staatskapelle de Dresde, Rolls Royce des orchestres
européens, a peu à montrer dans l'agilité et le démonstratif
spécifiquement latins. Superbe travail de Thielemann mais décidément le
revêtement est disproportionné. Admirables performances vocales de
Liudmyla Monastyrska en Santuzza, amère, intense, sauvage et, une fois
chauffée (sa « Ballatella » grelotte), de Maria Agresta dans Nedda. Mais
ni le colossal Maestri en Alfio ni surtout les très sommaires Platanias
en Tonio et Alessio Arduini en Silvio ne s'imposent. Le moins qu'on
puisse dire est que ce dernier, incapable d'un son bien tenu (le duo
avec Nedda !) ne sauve pas l'honneur vocal latin ! N'empêche. L'autorité
et l'audace de Kaufmann, son imperturbabilité vocale aussi, son air
vainqueur ont tout gagné d'avance, et tiennent parole jusqu'au bout. A.
T.
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