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Forum Opera: 16.10.2008 |
François Lesueur |
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Carmen réinventée
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Une nouvelle référence. |
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Carmen
: Anna Caterina Antonacci
Don José : Jonas Kaufman
Escamillo : Ildebrando d’Arcangelo
Micaëla : Norah Amsellem
Frasquita : Elena Xanthoudakis
Mercédès : Viktoria Vizin
Le Dancaïre : Jean-Sébastien Bou
Le Remendado : Jean-Paul Fouchécourt
Zuniga : Matthew Rose
Moralès : Jacques Imbrailo
Lilas Pastia : Caroline Lena Olsson
Le guide : Anthony Debaeck
Orchestre du Royal Opera House
Direction Antonio Pappano
Mise en scène Francesca Zambello
Londres : décembre 2006
Decca
On doit à Francesca Zambello, prise parfois à tort pour une stakhanoviste de
la mise en scène, un grand nombre de spectacles efficaces et accessibles qui
n’ont certes pas révolutionné l’opéra, mais ont toujours été fidèles et
respectueux : de Billy Budd à Dialogues des Carmélites, en passant par
Guerre et paix. Cette professionnelle habituée aux lourdes productions, a
sans doute été victime du système et s’est laissée piéger par le succès sans
parvenir à se renouveler mais, pour être juste, elle n’est pas la seule et
malgré tout, son métier et sa technique demeurent.
Il suffit de visionner cette éblouissante Carmen représentée à Londres en
décembre 2006, pour en être convaincu. A une Espagne colorée où s’agite une
myriade de personnages pittoresques (acte1), succède une campagne ibérique
sombre et aride (acte 2 et 3) qui répond aux besoins du drame, avant
l’explosion finale qui nous plonge dans l’atmosphère festive et mortifère
des arènes, un jour de corrida (acte 4). Mérimée ne s’y retrouverait peut
être pas, mais Meilhac et Halévy s’y sentiraient parfaitement à leur aise.
Adepte des grandes scènes de foule où l’œil est continuellement sollicité
(figurants, accessoires, animaux…), Zambello sait également mettre en
lumière les faiblesses, les désirs ou les désillusions de ses héros sur un
vaste plateau nu. La présence de deux monstres sacrés lui facilite
grandement la tache. Elle dispose en effet du couple le plus sensuel et le
plus dramatique qui soit pour donner vie à cette histoire d’amour, de larmes
et de sang.
Véritable bombe sexuelle, provocante et sauvage, Anna Caterina Antonacci
réussit un sans faute, avec une Carmen merveilleusement construite et
divinement chantée (sans accent, sans « r » roulé, avec une voix opulente
aux registres soudés) libre et naturelle dans toutes les situations.
Trouvant dans cette tessiture son juste foyer vocal, elle renouvelle le
personnage de la cigarière grâce à une sensualité assumée « Séguedille »,
une ivresse de vivre « Les tringles des sistres tintaient » et une
conscience de son destin « Trio des cartes », qui éloigne sa composition de
tout folklore, pour sonner avec une vérité inhabituelle.
Face à ce « diable » irrésistible, Jonas Kaufmann est le plus prodigieux des
Don José. La qualité de sa prestance, son jeu névrotique autant qu’érotique,
s’accorde idéalement à celui de sa consoeur. Soldat plutôt discret, son Don
José se libère peu à peu sous l’emprise de la passion, passant de la
soumission amoureuse, à la détresse avec une variété d’accents et un timbre
de voix inoubliables ; précis et raffiné jusque dans les récitatifs qu’il
cisèle dans un français superbe, sa « Fleur » suspendue à un fil, est une
vraie confession impudique et pathétique, un moment de théâtre et de musique
absolument poignant. Ildebrando d’Arcangelo a fière allure en Escamillo dont
il déjoue habilement les difficultés, tandis que Norah Amsellem ne parvient
pas à hisser sa prestation à la hauteur de ses partenaires, avec une Micaëla
terre à terre et vieillotte, comme on en a tant vu et entendu.
Bon Dancaïre de Jean-Sébastien Bou, brutal et sanguin, sémillant Remendado
de Jean-Paul Fouchécourt, Mercédès (Viktoria Vizin) et Frasquita (Elena
Xanthoudakis) délurées. Chef attentif et subtil, Antonio Pappano offre une
lecture musicale mémorable, modèle d’équilibre et de modération, qui séduit
par sa puissance narrative et sa richesse d’expression.
Une nouvelle référence. |
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