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Diapason |
Michel Parouty |
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Carmen
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A
Londres, Jonas Kaufmann a fait faux bond à son public dans Les Troyens
de Berlioz. Mais le ténorissimo confie au disque un bouleversant Don
José de Carmen sous la baguette de Simon Rattle. Une preuve
supplémentaire de la générosité de ce chanteur-acteur dont l'art nous
touche a plein coeur. Chapeau bas!
On puvait tout
attendre de cette Carmen, gravée en studio (ce qui se fait de plus en
plus rare) après les représentations données à Salzbourg en avril, le
meilleur comme le pire. Les oreilles francaises frémissaient en
constatant que le seul élément francophone de la distribution était
l'excellent Remendado de Jean-Paul Fouchécourt ; et ce d'autant plus que
la version Oeser utilisée maintient les dialogues parlés. Heureusement,
ces derniers sont réduits à leur plus simple expression, et c'est une
bonne idée.
Le pire ? L'Escamillo de Kostas Smoriginas, une
calamité qu'il chante ou qu'il parle. S'il n'est pas meilleur dans
l'arène, le tareau ne lui laissera aucune chance. Il y a peu à dire des
rôles secondaires, si ce n'est que Simone Del Savio est un médiocre
Dancaïre, et que le duo Mercédès/Frasquita est gentillet. Genia Kühmeier
a tout pour etre une Micaëla idéale, attendrissante et déterminée: la
simplicité, la sincérité, la lumière du timbre, le phrasé quasi
instrumental, la finesse musicale.
Que n'a-t-on pas déjà
dit de Jonas Kaufmann ? La voix est toujours aussi sombre, de plus en
plus barytonale, l'émission serée, et les nuances sont souvent synonymes
de décoloration. Mais l'intensité dramatique de l'interprétation est
telle qu'on pardonne à ce chanteur/acteur inspiré, qui délivre un
déchirant air de la fleur (avec une montée finale piano traduisant
admirablement la déchéance du héros), et un duo ultime qui ferait
pleurer les pierres. Lui donner comme partenaire Magdalena Kozena, c'est
confirmer le mariage de la carpe et du lapin. Pas un instant la
mezzo tchèque n'est Carmen. Vocalement banale (est-ce vraiment une mezzo
avec un grave aussi artificiel ?), souvent chichiteuse (la Habanera,
gâchée par une respiration intempestive), dramatiquement inconsistante
(l'air des cartes) voire vulgaire (les tentatives de parlando dans la
scène finale), elle n'arrive jamais à incarner son personnage.
Reste la vraie vedette de cette enregistrement, Simon Rattle. Certes, le
chef britannique dispose d'un instrument unique, un Philharmonique de
Berlin en grande forme, vif, brillant, lumineux. L'Ouverture donne le
ton : le discours est fluide, animé, léger dans les ensembles le son
transparent - la musique de chambre n'est pas loin, c'est magnifique,
et, dans le prélude de l'acte des contrebandiers, presque magique.
Pour lui, pour Kaufmann (dont on noubliera surtout pas le
face à face grandiose avec Antonacci à Covent Garden en DVD chez Decca),
pour Kühmeier, n'hésitez pas, cette Carmen vaut le détour.
N'accablez pas Kozena, oubliée sitôt entendue.
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