Diapason, mars 2009
Emmanuel Dupuy
Giacomo Puccini: Madama Butterfly
Angela Gheorghiu (Cio Cio-San), Jonas Kaufmann (Pinkerton), Enkelejda Shkosa (Suzukî), Fabio Capitanucci (Sbarpless) Gregory Bonfatti (Goro), Choeur et Orchestre de l’Académie nationale Sainte-Cécile de Rome, Antonio Pappano.
TECHNIQUE :6,5/10
Comme aux temps glorieux, on a mis les petits plats dans les grands, et le résultat est (presque) à la hauteur des attentes suscitées par l’affiche. Antonio Pappano montre une nouvelle fois son indéniable capacité à dompter ses troupes avec énergie, à faire vivre et avancer un drame. Mais le défaut de tendresse, la propension patente à faire tonner la ouivraille et les basses (l’introduction du dernier tableau en sera ruinée), déjà perceptibles dans ses précédentes intégrales pucciniennes, ternissent le projet.

Dommage pour la protagoniste, qui méritait écrin plus caressant. En voix superbe, Angela Gheorghiu brille à chaque instant par ses trésors de noblesse, de précision, de musicalité raffinée. Est-elle pour autant la petite geisha de quindici anni ? Tant de contrôle et de sophistication laissent peu de place à la fragilité naïve que parvenaient à mettre une Scotto, une Freni, une Los Angeles, voire une Callas, dans leur incarnation. L’effort final vers le désespoir et le sacrifice inspire davantage d’admiration que de larmes. A cette aune, Jonas Kaufmann sera peut-être plus sincère, bien qu’avec sa stature et son métal de Siegmund, il paraîtra très exotique à qui garde en mémoire les Pinkerton de Bergonzi ou Pavarotti. Pour Rodolfo ou Cavaradossi, un timbre à ce point barytonant qu’il se confond avec celui de Sharpless serait très improbable. Mais pour un rôle de Yankee, le déficit d’italianité passe encore, d’autant que l’intelligence de l’artiste, sa sensibilité, nous valent des grâces et des nuances dont bien des soi-disant bel cantistes d’aujourd’hui seraient incapables. Sharpless pudique et attachant de Fabio Capitanucci, Suzuki plus ordinaire d’Enkelejda Shkosa (mesdames Cossotto, Ludwig et Berganza peuvent dormir tranquilles).

Pas de quoi bouleverser la hiérarchie des grandes versions officielles — au choix, selon les affinités Scotto/Barbirolli (Emi) et Scotto/Maazel (Sony), Callas/Karajan (Emi ), Los Angeles/Gavazzeni (Emi/Testament), Freni/Karajan (Decca), Freni/Sinopoli (DG). Mais sans doute, reconnaissons-le, la meilleure pierre que notre époque pouvait apporter à une déjà ai riche discographie.
 
 






 
 
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