ClassiqueNews.com, 3 mars 2009
Elvire James
 
Giacomo Puccini: Madama Butterfly
Après Tosca, déjà ancienne, Magda de La Rondine plus récente (dont la maturité féminine lui sied davantage de facto sur la scène), Angela Gheorghiu s'impose indiscutablement comme une admirable et exquise puccinienne. Quel dommage que sa carrière ne lui ait pas donné l'opportunité de chanter le personnage plus tôt ... pour le jouer sur scène

D'emblée, on a du mal à croire que "La Gheorghiu" offre une vocalità idéale pour l'héroïne pucinienne, âgée ... de 15 ans. Telle n'est pas la moindre des contradictions de l'ouvrage et de l'interprétation féminine qui nous est offerte dans ce coffret pourtant vocalement convaincant.
En écartant immédiatement ce décalage entre une voix parmi les plus charnelles et les plus émouvantes de l'heure, à la musicalité parfaite, et la juvénilité ardente, cette sorte d'angélisme lumineux du rôle originelle, l'écoute dévoile l'une des prises les plus investies de la diva roumaine: réfléchie, mesurée, sentie. Passant de la fragilité féminine, précieuse sans maniérisme, des premières scènes, à la tragédie de la fin: femme amoureuse, puis jeune mère abandonnée, languissante, expirante, femme suicidaire. Après Tosca, déjà ancienne, Magda de La Rondine plus récente (dont la maturité féminine lui sied davantage de facto sur la scène), Angela Gheorghiu s'impose indiscutablement comme une admirable et exquise puccinienne. Quel dommage que sa carrière ne lui ait pas donné l'opportunité de chanter le personnage plus tôt ... pour le jouer sur scène. Ses couleurs sombres et lugubres pour Due Cose potrei far éclairent cette blessure naturelle du filet de voix, cette faille qui est aussi détermination par laquelle l'opéra sombre dans le radicalisme tragique. Le chant dévoile la diseuse, l'actrice ardente, à 100 lieux de la direction parfois bruyante (et en comparaison, bavarde) de Pappano.

Les opéras en studios étant de plus en plus rares en ces temps de disette, nous n'allons pas bouder notre plaisir. Saluons la parution de ce coffret édité par Emi: coffret soigné, livret abondant, documenté. Aux côtés de la diva, le Pinkerton de Jonas Kaufmann ne manque de virilité, d'ardeur, d'élans extatiques avec son épouse de pacotille... et le Sharpless de Fabio Capitanucci campe avec engagement (parfois excessif dans le surjeu), sa carrure étrangère et finalement impliqué, de témoin touché par la grâce subtile de Cio-Cio-San, à l'idéalisme trop suave.

Antonio Pappano dirige avec plus d'éclat que de profondeur l'orchestre romain: et malgré son sens du détail, le chef peine cependant à exprimer le souffle acide-amer de la comédie tragique: sa baguette se perdrait-elle dans le labyrinthe des mignardises japonisantes laissées par le perspicace et trouble Puccini? Studio oblige, tout est serti avec un fini de carte postale mais souvent l'émotion affleure, celle intacte et pure du compositeur pour son héroïne qui incarne sacrifice, ultime fidélité, naïveté et candeur. Pour Angela Gheorghiu: sa justesse et sa vérité. La puccinienne s'impose sans fard.

Giacomo Puccini (1858-1924): Madama Butterfly. Avec Angela Gheorghiu (Cio-Cio-San), Jonas Kaufmann (Pinkerton), Enkelejda Shkosa (Suzuki), Fabio Maria Capitanucci (Sharpless, le consul américain), Orchestre de l'Académie nationale de Sainte-Cécile. Antonio Pappano, direction.
 






 
 
  www.jkaufmann.info back top