Ce
fut l’évènement lyrique londonien de la saison 2010/2011 (captation
22/11 et 4/12/2010). Imaginez un seul instant la confrontation, car
il s’agit bien de cela, dans des quasi prises de rôles, de deux
stars internationales au charisme indiscutable : Angela Gheorghiu et
Jonas Kaufmann. Je dis « quasi prises de rôle » car, quelques
semaines avant Londres, tous les deux avaient chanté cet opéra, pour
la première fois, à Berlin en version de concert.
Les voici
donc réunis sur scène dans cette œuvre de Francesco Cilea dont la
trame dramatique est quelque peu absconse. C’est le metteur en scène
David McVicar qui est chargé de faire vivre tout ce petit monde de
la Comédie française, ses étoiles, ses amours romanesques, ses
coteries graveleuses, ses élans passionnés et ses tragiques
conclusions. Dans un respect scrupuleux du livret, David McVicar
s’empare de l’option théâtre dans le théâtre, option qui, même sans
être originale, est idéale pour cerner les amours tumultueuses de la
belle Adriana et du beau Maurizio. Angela Gheorghiu (Adriana) n’est
pas tout à fait à la hauteur d’un emploi pareil dont elle tire
cependant les meilleurs effets dans des demi-teintes somptueuses.
Est-ce suffisant ? Le registre grave est absent et la composition
scénique manque de magnétisme, un rien trop précieuse.
Or, il
convient de ne pas oublier que cet opéra, créé au Lirico de Milan en
1902, appartient corps et âme à cette école qualifiée de vériste
dans laquelle le pathos fait partie intégrante du genre. La
fréquentation de ce rôle suffira-t-elle à inscrire ce soprano parmi
une constellation où se croisent Kabaivanska, Tebaldi, Caballé,
Olivero, Scotto, etc. ? Face à elle, le ténor Jonas Kaufmann ne fait
par contre qu’une bouchée du rôle plutôt ingrat, dramatiquement, de
Maurizio. Conjuguant, grâce à une technique vocale hors pair, les
plus aériennes demi-teintes aux éclats les plus passionnés, et même
sans avoir l’italianité de timbre, il fait sien ce rôle avec une
autorité renversante.
Saluons l’impétueuse et magistrale
Princesse de Bouillon d’Olga Borodina et, surtout, le magnifique,
bouleversant, authentique Michonnet d’Alessandro Corbelli.
Soulignons enfin les parfaites interventions des seconds rôles, dont
Maurizio Muraro (Le Prince) et Bonaventura Bottone (l’Abbé). Mark
Elder dirige les phalanges du Royal Opera House Covent Garden de
Londres avec toute l’intensité, l’émotion vive et le fulgurant
romanesque dont cette partition est toute entière brodée.
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