|
|
|
|
|
Classica, mai 2012 |
Jérémie Rousseau |
|
Lever de rideau
|
LES CHOCS DU MOIS - Le choix de mezzo |
|
ANGELA GHEORGHIU ET JONAS KAUFMANN ONT FAIT DE LA NOUVELLE PRODUCTION D'«
ADRIANA LECOUVREUR » DE FRANCESCO CILEA L'ÉVÉNEMENT LYRIQUE AU ROYAL OPERA
HOUSE DE LONDRES EN 2011. |
Absent
du Royal Opera depuis plus d'un siècle, Adriana Lecouvreur ne peut rêver
plus belle affiche pour son retour à la scène, prouvant ainsi quelle
goûteuse pièce de divertissement elle reste, lorsqu'on sait en vivifier les
codes. Aucune transposition ni dynamitage ici, pas même de second degré.
Théâtre dans le théâtre oblige, l'habile et imposant décor de Charles
Edwards recréé avec faste les coulisses et les salons de l'Ancien-Régime, et
déroule un livre d'images que David McVicar anime en brillant artificier,
s'effaçant derrière une pièce dont il a impeccablement huilé les rouages.
Beaucoup d'élégance, de couleurs et de brocarts certes, mais aussi
beaucoup de vie et d'énergie : le récit avance et tous les ingrédients du
mélodrame - réalisme, passion, vengeance - savent s'embraser sans le moindre
ridicule. C'est aussi que chacun a le physique de l'emploi et que les
caméras de François Roussillon plongent magnifiquement au cœur du spectacle.
Miraculeux sur le plan vocal, avec une gamme de nuances que peu de
titulaires de Maurizio ont déployé avant lui (un « L'anima ha stanca »
d'anthologie), Jonas Kaufmann est criant de vérité en noble aux bottes
crottées, un rien rustaud ; fougueux, il a raison de bousculer les poses un
peu convenues de sa partenaire, surtout soucieuse d'être à son aise pour
chanter. Davantage que dans les actes ii et iii, où la Princesse de Bouillon
d'Olga Borodina écrase tout sur son passage (quels moyens ! quels roulements
d'yeux !), la voix d'Angela Gheorghiu s'épanouit idéalement dans le dernier
acte, avec une agonie en tout point bouleversante. Sans avoir les larges
moyens de Michonnet, Corbelli y glisse une tendresse bonhomme. La brochette
de comprimari, elle, donne bien le change, quand la baguette de Mark Elder
guide son monde sûrement - mais sans surprise.
Signalons en bonus
vingt minutes d'interviews éclairantes. En résumé : un spectacle qui relègue
les dernières captations (Dessi/ Scala ; Carosi/Turin) au rayon des
antiquités. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|